« C’est une excellente nouvelle ! Vous avez défié toutes les statistiques ! Vous êtes en pseudo rémission !»
J’entends encore mon oncologue , mon sauveur, « Mr que rien affole », « Mr tout en retenue émotionnelle », Mr qui derrière son masque froid et austère transpire une grande sensibilité et une empathie discrète .
Je le revois encore, adossé à la fenêtre de ma chambre d’hôpital, se tortillant, ne sachant où placer ses mains et son regard, si embarrassé quand il m’annonçait les mauvaises nouvelles et assistait impuissant à mon effondrement. Lui, qui vivait mal son propre silence face à mes larmes en cascade quand il me rappela au bout de 5 cures de chimio après ma récidive, la grande probabilité que mon cancer devienne chronique et finisse par m’achever dans un laps de temps, qui me semblait trop court à l’échelle d’une vie !
Je le revois répéter cette phrase à 2 reprises, comme pour se convaincre lui même de sa véracité, comme pour savourer encore et encore ce petit miracle de la médecine : Oui, alors que mon pronostic vital à plus de 5 ans était défavorable… , il a prononcé le mot magique : REMISSION.
Ce mot, convoité, attendu comme la venue du messie par tous les cancéreux, ce mot qui prolonge notre « timeline », ce mot murmuré dans un coin de mon âme, celui qui cohabite avec l’espérance, carburant essentiel pour focaliser toute mon énergie vitale vers la lutte contre mes cellules cancéreuses. Ce mot qui ne m’était pas destiné et dont je rêvais pourtant en secret , ce mot qui m’était inaccessible, sorte d’engagement impossible à honorer.
Envers et contre toutes les statistiques, je me suis autosuggérée de remporter le défi de les contredire ces statistiques morbides. Ce mot lourd de promesses, chargé d'essence de vie qu'on meurt d'impatience d'enflammer ! Ce mot ne m’a pas quitté pendant tout le traitement !!
Alors, oui, aujourd’hui, je suis en « pseudo » rémission depuis 7 mois ! Les 3 métastases pulmonaires encore visibles sont nécrosées ou ne bougent plus du tout. Le cancer est endormi et peut rester comme ça pendant longtemps ! J’ai entendu très distinctement le déclic d’un détonateur dans mon cerveau : « fais de l’autosuggestion, utilise un biais cognitif et persuade ton esprit que tu es guérie, tourne la page tout en tirant le meilleur de ce chapitre de ta vie… »
Il y aura nécessairement un avant et un après cancer.
Enfin, je ne suis plus dans le couloir de la mort… ou en tout cas, je m’éloigne de plus en plus de la chambre où s’agite le bourreau !
Depuis, je n’ai pas repris rendez-vous avec l’assureur « garantie obsèques », j’ai remisé le livret : "pense-bête avant de mourir" que j’avais demandé à l’hôpital, j’ai arrêté d’enrichir ma playlist pour mes funérailles et de rédiger mon épitaphe …
Je m’autorise aujourd’hui à m’acheter des habits pour me faire plaisir. Fièrement, je fais taire la petite voix qui me disait « tu ne devrais pas encombrer ton armoire, tu devrais plutôt commencer à la vider pour ne pas surcharger tes survivants de cartons à jeter … ». Hier, je me suis offert un jean , un pull couleur lagon et un chapeau en feutre turquoise… Histoire de célébrer ciel et mer , matrices de la vie...
A vous aussi lecteur, l'espoir est permis ...
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